17 avril 2025

Figure de maître – Charles Benmouyal

Me Charles Benmouyal : être constructivement outré

Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat

Le 7 mai prochain, lors de l’Assemblée générale annuelle du Barreau de Montréal, la bâtonnière Larouche remettra le Prix d’excellence à Me Charles Benmouyal qui, depuis 23 ans, travaille en droit criminel et pénal au Centre communautaire juridique de Montréal, où il représente une clientèle vulnérable et démunie, présentant souvent des enjeux de santé mentale et de toxicomanie. Me Benmouyal est fier de travailler à l’aide juridique et s’efforce de faire connaître le travail de tous ses avocats. Vous le connaissez sûrement, car il a été l’une des têtes d’affiche de la docusérie À ma défense diffusée au printemps 2023 sur ICI RDI.

Né à Montréal, Me Benmouyal a passé une partie de son enfance à Sept-Îles, avant que sa famille ne déménage sur la Rive-Sud de Montréal, à St-Patrice de Sherrington. Peut-être pour suivre les traces de son père biochimiste, il commence des études en sciences pures au Cégep André-Laurendeau, avant de bifurquer en sciences humaines. Il fait ensuite ses études en droit à l’Université de Montréal. À ce moment-là, le droit criminel ne l’intéresse pas particulièrement et il souhaite plutôt faire une carrière en entreprise, en droit commercial.

Après avoir complété l’École du Barreau, une amie de sa mère, Me Lucie Bourgouin, avocate criminaliste, lui propose de l’accompagner à la Cour. Il accepte, et c’est la plus belle décision de sa vie! Il tombe alors en amour avec le droit criminel et décide de faire son stage avec Me Bourgouin, appréciant sa capacité à communiquer son message avec une attitude très humaine. Après son stage, il continue à travailler à ses côtés et reprend même sa pratique lorsque celle-ci accepte un poste à la DPJ. Il roule alors sa bosse pendant un an et demi, avant de rencontrer un avocat de l’aide juridique, Me Daniel Lafrance, aujourd’hui président de la Commission des services juridiques, qui le convainc de rallier les rangs de l’aide juridique en 2002.

Il commence sur la garde téléphonique, avant de faire des remplacements à la cour municipale et au palais de justice. Il touche à tout et apprend rapidement à gérer un volume considérable de dossiers. Aujourd’hui encore, il est la référence pour la garde téléphonique auprès de jeunes collègues nouvellement embauchés. « Quand on prend un appel, on doit gérer une personne en détresse qui vient de se faire arrêter, qui est sans repères et sans référence. On a peu de temps pour gagner sa confiance. On doit lui faire comprendre que la police va lui poser des questions, mais que ce n’est pas le bon moment de parler, qu’elle n’est pas toute seule et qu’on est là pour elle. Ce petit dix minutes d’interaction avec une personne détenue peut faire toute la différence dans une cause criminelle à venir. »

Au fil des années, sa clientèle n’a pas changé, même si la pauvreté a pris un autre visage. Il sent que le filet social s’est dissipé. Toute la misère qu’il côtoie ne l’envahit pas démesurément, mais le gratifie. Il ne va jamais travailler à reculons. Presque tous les jours, des gens qu’il ne connaît pas lui ouvrent la porte de leur intimité la plus profonde. Il faut avant tout gagner leur confiance. Me Benmouyal est là pour aider ses clients et faciliter leur passage devant la justice criminelle. « Je fais mon travail parce que ça me passionne. Je le fais parce que des personnes ont besoin d’aide. Je suis là pour leur expliquer ce qui leur arrive et pour m’assurer pour que leurs droits soient respectés et que l’État fasse son travail correctement. Je suis toujours prêt à abattre des murs pour bien représenter mes clients. Je suis souvent leur seul allié et je ne me contente pas de seulement grimacer si leurs droits sont bafoués ou si leur liberté est injustement brimée. C’est bien d’être outré, encore faut-il agir suivant ses convictions et être là pour rétablir l’équilibre. À la fin de la journée, si j’ai l’impression d’avoir fait une différence, je sais que j’ai accompli ma mission. »

Malgré le travail acharné de ses avocats, les gens ont encore des préjugés envers l’aide juridique. Pour Me Benmouyal, il faut éduquer le public et leur parler de l’aide juridique, leur rappeler que la présomption d’innocence existe et que tout être humain y a droit. Pédagogue, il s’implique souvent auprès d’étudiants, leur parle de la justice et vulgarise le travail de l’avocat.

Sur un ton plus léger, Me Benmouyal adore cuisiner, comme on a pu le voir dans un épisode de À ma défense. Ce fier papa de deux adolescentes, qui a déjà travaillé dans un snack bar en banlieue de San Francisco, aime nourrir les gens et les rendre heureux. Autre fait cocasse, il affectionne particulièrement les boutons de manchettes et en possède maintenant près de 300 paires.

Me Benmouyal continuera à humaniser ses clients aux yeux des décideurs et de la société. Pour lui, il faut avant tout se pencher sur l’histoire d’une personne qui se retrouve derrière les numéros d’un dossier criminel. Et pour donner un certain sens à tout ça, il faut selon lui toujours un peu être « constructivement outré. »

Créé en 2024, le Prix d’excellence de la bâtonnière ou du bâtonnier est décerné chaque année à des membres de la section qui se sont démarqués depuis le début de leur carrière par leur travail et leurs engagements envers la protection du public et l’accès à la justice dans le district judiciaire de Montréal.

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