Rentrée judiciaire 2024
Au service de la justice
Par Pierre-Luc Beauchesne, avocat
Toujours aussi inspirante, la Rentrée judiciaire montréalaise s’est déroulée le 5 septembre dernier sous le thème du bâtonnat de Me Caroline Larouche, bâtonnière de Montréal : « Au service de la justice ».
En matinée, au palais de justice de Montréal, lors de l’ouverture des tribunaux, les juges en chef des différentes cours ont fait le point sur l’année judiciaire qui s’est écoulée, en plus de partager leurs projets et priorités pour la prochaine année.
En fin de journée, à l’hôtel Omni Mont-Royal, Me Joey Hanna a animé la Cérémonie de la Rentrée où se sont succédé les différents invités de Me Larouche, dont notamment le très honorable Richard Wagner, C.P., juge en chef du Canada, Me Lucien Bouchard, C.P., G.O.Q., Ad. E., ancien premier ministre du Québec, et Me Louis Bouthillier, récipiendaire de la Médaille du Barreau de Montréal.
Pour ceux et celles qui n’ont pu être présents, voici un aperçu des allocutions qui ont été présentées.
Ouverture des tribunaux
L’honorable Manon Savard, juge en chef du Québec, souligne d’entrée de jeu que cette rentrée est bien spéciale pour la Cour d’appel qui fête cette année son 175e anniversaire. La Cour a bien changé depuis le 7 janvier 1850, alors qu’elle ne comptait que quatre juges. Toutefois, des éléments de constance demeurent comme la grande collégialité qui est inscrite dans l’ADN de la Cour et sa volonté de mettre la qualité de la justice au cœur de ses actions. Alors qu’on assiste à un effritement de la crédibilité des institutions, le rôle de la Cour d’appel n’est pas de rendre des décisions populaires, mais d’appliquer la règle de droit, en toute indépendance et impartialité. Cette année, les projets de la Cour d’appel reposeront sur quatre axes :
1) un accès simplifié et à moindre coût pour les justiciables, notamment grâce à la numérisation du greffe de la Cour;
2) un traitement optimisé des dossiers grâce entre autres aux nouvelles technologies;
3) une gestion accélérée des dossiers en matière criminelle;
4) une meilleure communication et vulgarisation des travaux de la Cour.
La juge en chef du Québec déplore toutefois le manque de ressources financières et soutient qu’investir pour une justice moderne et accessible, c’est investir dans la démocratie.
L’honorable Yves de Montigny, juge en chef de la Cour d’appel fédérale, rappelle que, depuis 2019, le Code de procédure civile peut s’appliquer aux affaires devant la Cour fédérale et sa cour d’appel. De plus, la construction du nouvel édifice qui abritera les différentes cours devrait s’achever en 2027, si tout se déroule comme prévu. Ces installations modernes et accessibles s’harmoniseront avec le patrimoine architectural environnant, tout en visant à être un modèle de développement durable et d’efficacité énergétique. Le juge de Montigny souligne aussi certaines initiatives pour rendre la justice plus accessible, comme la possibilité de visionner en ligne les audiences des différentes cours. Le juge en chef salue également l’efficacité du greffe et du travail de première ligne de son personnel, mais déplore le manque de financement, nécessaire pour assurer une justice de qualité.
L’honorable Marie-Anne Paquette, juge en chef de la Cour supérieure du Québec, est fière de son premier plan stratégique qui guidera les actions de la Cour pour les années à venir. Ce plan établit quatre priorités pour viser une justice accessible, de haute qualité et qui puisse être rendue dans des délais raisonnables : 1) la simplification et l’harmonisation des processus administratifs, notamment par l’adoption de formulaires uniques pour les matières civiles et familiales; 2) l’optimisation des nouvelles technologies; 3) accroître la visibilité publique de la Cour et la transparence de ses modes de fonctionnement, notamment par des visites dans des écoles secondaires et la publication d’un rapport annuel; 4) offrir soutien et accompagnement aux juges. En ce début d’année judiciaire, la juge Paquette nous invite tous à demeurer optimistes, car « l’optimisme est un multiplicateur de force ».
Pour le juge en chef de la Cour du Québec, l’honorable Henri Richard, la justice doit conserver avant tout son caractère humain et être au service de la population. Le perfectionnement des juges est essentiel au bon fonctionnement du système judiciaire et au maintien de la confiance du public à son endroit. À la Cour du Québec, les programmes de formation ne visent pas uniquement à enrichir les connaissances juridiques des juges, mais aussi à perfectionner leurs connaissances en matière de réalité sociale, de diversité culturelle et sexuelle. Le juge Richard souligne aussi l’importance du partenariat et de la coopération avec l’ensemble des acteurs du système de justice, dans la quête de l’objectif commun, soit de rendre de meilleurs services.
L’honorable Nathalie Duchesne, juge en chef des Cours municipales du Québec, souligne l’approche humaine et avant-gardiste des cours municipales auprès de populations souvent vulnérables. Chaque juge doit être investi de la mission de rendre justice de manière équitable. Avant tout, la juge Duchesne souhaite une justice de proximité, profondément humaine, d’autant plus que, pour de nombreux justiciables, la Cour municipale est le premier contact avec le système judiciaire.
Me Valérie Tardif, représentant le ministre de la Justice et le procureur général du Canada, l’honorable Arif Virani, rappelle que le gouvernement canadien continue de mettre en place des mesures pour lutter contre le racisme et la discrimination. Me Tardif fait aussi état de grand progrès dans les nominations pour les postes de juge, soulignant que six postes demeurent toujours vacants au Québec.
Cérémonie de la Rentrée
Le très honorable Richard Wagner, C.P., juge en chef du Canada, réitère son soutien au Barreau de Montréal et souligne la contribution significative des juristes québécois qui ont su mettre de l’avant des initiatives comme l’aide juridique, le CAIJ, Éducaloi et le Salon VISEZ DROIT. Le juge Wagner nous invite à réfléchir sur le rôle du système de justice et à faire preuve de vigilance et d’audace, dans un monde où la désinformation est plus présente que jamais. Afin d’améliorer l’accès à la justice, il demeure essentiel de communiquer de façon claire. La Cour suprême donne l’exemple, avec des initiatives comme la cause en bref, sa rétrospective et sa conférence de presse annuelles et ses auditions partout au pays. Les avocats montréalais doivent rester conscients de leur rôle et demeurer engagés, au service de la justice, à protéger la dignité des citoyens, ce qui permet de vivre dans une société plus sécuritaire et plus juste.
Trois collègues ont par la suite partagé leur vision de ce que c’est d’agir au service de la justice et ont livré un touchant témoignage sur les enjeux qu’ils affrontent au quotidien.
Me Martin Hovington, directeur de la Qualité de la profession et directeur de la transformation organisationnelle au Barreau du Québec, s’est entretenu sur les enjeux reliés à la santé mentale dans le domaine juridique. Selon une étude récente, 59,40 % des juristes canadiens vivent de la détresse psychologique au travail, alors que 24,1 % ont eu des idées suicidaires depuis le début de leur pratique professionnelle. Pour Me Hovington, un avocat en santé est un public mieux protégé.
Me Esther Sterling, avocate au CIUSSS de l’Ouest-de-l’Île-de-Montréal, a occupé plusieurs postes au sein de la DPJ avant de devenir avocate et d’y pratiquer le droit. Pour Me Sterling, agir au service de la justice passe avant tout par l’écoute qui permet de trouver la meilleure solution commune aux problèmes de chacun. Agir au service de la justice, c’est aussi faciliter l’accessibilité à la justice pour les plus démunis. À travers l’écoute, nous avons tous le pouvoir de redonner une voix à ceux qui en ont le plus besoin.
Me Louis Philippe Roy, avocat pour le Centre communautaire juridique de Montréal, est au service des plus démunis. Il souligne le manque de ressources sur le terrain et la nécessité d’agir en amont afin d’éviter la judiciarisation des personnes en situation d’itinérance.
Pour Me Lucien Bouchard, C.P., G.O.Q., Ad. E., fêtant cette année son 60e anniversaire d’admission au Barreau, la justice est essentielle, car sans elle, il n’y a pas de société démocratique qui tienne. Les institutions sont vulnérables et chaque génération de citoyens et citoyennes a le devoir de les protéger. La société a besoin de compter sur des intervenants crédibles, impartiaux et indépendants, et le gouvernement doit pourvoir à la magistrature les moyens matériels et technologiques pour rendre le processus judiciaire efficace.
Cette rentrée est aussi particulière pour la bâtonnière du Québec, Me Catherine Claveau, puisqu’elle marque les dernières activités soulignant le 175e anniversaire du Barreau du Québec, durant lesquelles des centaines d’avocates et d’avocats sont allés à la rencontre des justiciables à travers toute la province, dans un esprit de bienveillance et d’altruisme. Me Claveau souhaite avant tout un barreau humain et moderne. Elle déplore également le manque criant de ressources et de financement et invite à faire preuve d’empathie et de tolérance.
Me Marie Flambard, présidente du Jeune Barreau de Montréal, s’est adressée spécialement aux nouveaux assermentés. Pour Me Flambard, la pratique du droit demeure un incroyable outil d’empathie et d’entraide, et tous ont le devoir de faire en sorte que notre profession nous ressemble vraiment. Le JBM lancera sous peu un vaste sondage afin de produire un rapport sur la situation des jeunes avocats quant à leur santé psychologique. Me Flambard invite aussi les avocats plus expérimentés à transmettre leurs connaissances, mais surtout à être bienveillants. S’il en est de la responsabilité des jeunes que de se faire entendre, il en est certainement de celles des plus expérimentés que de guider, et surtout, de transmettre.
Me Caroline Larouche a remis la médaille du Barreau à Me Louis Bouthillier, premier avocat de la Couronne à recevoir cet honneur. Celui-ci considère que la justice criminelle est bien servie et salue le travail des policiers qui doivent souvent prendre des décisions difficiles en peu de temps. Tous les acteurs du système de justice criminel recherchent la même chose, que justice soit faite. Me Bouthillier se trouve chanceux d’exercer un fabuleux métier et compte continuer de servir la justice pendant de nombreuses années.
La bâtonnière de Montréal, Me Caroline Larouche, souligne l’apport inestimable de ceux et celles qui ont façonné l’histoire juridique, grâce à leur travail, leurs efforts et leurs sacrifices afin que la société soit libre, juste et démocratique. Tous ont la responsabilité de servir la justice, malgré les embûches et les écueils. Me Larouche invite à poursuivre les efforts de sensibilisation pour protéger le public contre les faux avocats. Pour Me Larouche, le système de justice n’est pas parfait, mais est terriblement bon. Il permet de vivre en sécurité et en toute liberté. La société doit s’en réjouir.
Pour voir les photos de la Rentrée judiciaire, vous pouvez cliquer ici.
Le Barreau de Montréal remercie ses partenaires : le Centre d’accès à l’information juridique (CAIJ), La Financière des avocates et avocats, le Groupe Montpetit Ressources Humaines et Dilitrust.
À inscrire à votre calendrier, la prochaine Rentrée aura lieu le 4 septembre 2025.